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JOYLAND ★★★

★★★
Stephen King, 2012, 325p, Albin Michel, 21,90€
Dans le parc d’attractions de Joyland, en 1973, une jeune femme assassinée hante le Train Fantôme et son tueur court toujours. Il y a aussi une grande roue et une scène intense s’y déroulera par un soir d’orage. 
C’est sur ces éléments intrinsèquement liés à l’univers du King qu’Albin Michel, vend, très mal, Joyland.
Parce que le fantastique et l’horreur, ici, sont anecdotiques. D’ailleurs, on s’en contrefout. D’ailleurs, King lui-même semble s’en contrefoutre tellement c’est pas important dans son récit. Mais, comme s’il s’obligeait à respecter une sorte de charte afin de ne pas décevoir ses lecteurs en ne fournissant pas un quota minimum de frissons, il a ajouté ces fioritures thrilleresques qui s’intègrent assez mal dans l’ensemble et c’est le seul reproche que je peux formuler à l’encontre de ce roman. 
Parce que le reste est un pur bijou de nostalgie universelle, un récit initiatique, dans la lignée de la nouvelle qui donna lieu au film Stand by me et qui fait remonter du plus profond de nos êtres quantité de souvenirs aussi délicieux que douloureux.
Avec une simplicité que seuls des esprits snobinards ou faux-cul pourront lui reprocher, avec un humour parfois hilarant, avec une tendresse infinie et un sens du détail qui rend palpable, vivante, plus vraie que nature, chaque scène narrée, King raconte l’été des 21 ans de son héros, Devin.
L’été du premier chagrin d’amour, l’été du dépucelage aussi, l’été des amitiés qui durent toute une vie, l’été qui jamais ne sera oublié.
C’est drôle, c’est tendre, c’est vrai, c’est triste, c’est émouvant, prenant, ça se dévore littéralement et le contexte du parc d’attraction pour raconter une histoire pareille confère à l’ensemble cette remarquable touche d’originalité, cette bizarrerie géniale qui fait qu’on est dans un King et chez nul autre ailleurs, avec ce langage particulier des forains (la Parlure), ces personnages hauts en couleur (la juive de Brooklyn qui chaque été devient Madame Fortuna, la médium gitane !), cette Amérique adorée autant qu’haïe (un livre qui illustre la grande injustice de la vie en soulignant que Dick Cheney soit encore de ce monde, ne peut être qu’un livre merveilleux) , et puis il y a la mort et la maladie, ces deux fléaux désormais indissociables des derniers romans du Maitre et forcément plus terrifiants que tous les monstres qu’il ait pu décrire, traités ici avec une infinie pudeur, une douceur presque douloureuse, tout ça fait de Joyland une œuvre à la fois mineure par le genre auquel elle appartient (l’édition US a même été pensée pour ressembler à un pulp) mais grande et indispensable par sa capacité à nous faire ressentir un éventail d’émotions fortes sans avoir recours (enfin, pas majoritairement) à l’horreur ou l’épouvante.
Plonger dans Joyland c’est retrouver l’envie de boire des bières le soir sur la plage en écoutant les Doors ou Pink Floyd à fond, c’est se souvenir de la première fois que l’on a fait l’amour, c’est repenser à ces filles dont on tombait éperdument amoureux jusqu’à la fin de notre vie pour à peine 15 jours, c’est revivre ce putain de douloureux chagrin d’amour, celui qui a dévasté chacun d’entre nous, celui auquel on a donné tant d’importance, dont on pensait ne jamais se remettre, qui nous donnait envie de mourir tellement ça faisait mal, celui dont on se souvient finalement plus que la personne qui en est à l’origine, c’est repenser à cette période de notre vie où l’on pensait tout savoir, où l’on se croyait immortel, où l’on avait un avis sur tout alors qu’on ne connaissait rien, ou si peu… C’est un livre à travers lequel on se reconnait tous, et qui nous titille avec un talent fou la fibre nostalgique, pas seulement d’une jeunesse disparue mais de toute une époque aussi, plus insouciante, moins virtuelle, où on nous laissait un peu plus vivre qu’aujourd’hui… C’est pas du tout passéiste ni conservateur, non, c’est comme retrouver une vieille lettre écrite par un/une amoureux(se) et qui fait remonter à la surface non seulement les sentiments d’alors, mais également tout le contexte dans lequel ils sont nés.
C’est un livre incroyablement vivant, amoureux de la vie, léger et grave à la fois, exactement comme tout ce que nous vivions à l’époque, ces riens du tout qui nous semblaient pourtant si intenses et essentiels.
C’est un bonheur et King aurait pu s’en peine en assumer l’absence de fantastique. Peut-être est-il à une période transitoire de sa vie d’écrivain et qu’il parviendra d’ici peu à se laisser aller entièrement à ce genre d’histoires qui n’ont nul besoin de sang ni de spectre pour nous prendre à la gorge et nous vriller les tripes.

★★★

Stephen King, 2012, 325p, Albin Michel, 21,90€

Dans le parc d’attractions de Joyland, en 1973, une jeune femme assassinée hante le Train Fantôme et son tueur court toujours. Il y a aussi une grande roue et une scène intense s’y déroulera par un soir d’orage.

C’est sur ces éléments intrinsèquement liés à l’univers du King qu’Albin Michel, vend, très mal, Joyland.

Parce que le fantastique et l’horreur, ici, sont anecdotiques. D’ailleurs, on s’en contrefout. D’ailleurs, King lui-même semble s’en contrefoutre tellement c’est pas important dans son récit. Mais, comme s’il s’obligeait à respecter une sorte de charte afin de ne pas décevoir ses lecteurs en ne fournissant pas un quota minimum de frissons, il a ajouté ces fioritures thrilleresques qui s’intègrent assez mal dans l’ensemble et c’est le seul reproche que je peux formuler à l’encontre de ce roman.

Parce que le reste est un pur bijou de nostalgie universelle, un récit initiatique, dans la lignée de la nouvelle qui donna lieu au film Stand by me et qui fait remonter du plus profond de nos êtres quantité de souvenirs aussi délicieux que douloureux.

Avec une simplicité que seuls des esprits snobinards ou faux-cul pourront lui reprocher, avec un humour parfois hilarant, avec une tendresse infinie et un sens du détail qui rend palpable, vivante, plus vraie que nature, chaque scène narrée, King raconte l’été des 21 ans de son héros, Devin.

L’été du premier chagrin d’amour, l’été du dépucelage aussi, l’été des amitiés qui durent toute une vie, l’été qui jamais ne sera oublié.

C’est drôle, c’est tendre, c’est vrai, c’est triste, c’est émouvant, prenant, ça se dévore littéralement et le contexte du parc d’attraction pour raconter une histoire pareille confère à l’ensemble cette remarquable touche d’originalité, cette bizarrerie géniale qui fait qu’on est dans un King et chez nul autre ailleurs, avec ce langage particulier des forains (la Parlure), ces personnages hauts en couleur (la juive de Brooklyn qui chaque été devient Madame Fortuna, la médium gitane !), cette Amérique adorée autant qu’haïe (un livre qui illustre la grande injustice de la vie en soulignant que Dick Cheney soit encore de ce monde, ne peut être qu’un livre merveilleux) , et puis il y a la mort et la maladie, ces deux fléaux désormais indissociables des derniers romans du Maitre et forcément plus terrifiants que tous les monstres qu’il ait pu décrire, traités ici avec une infinie pudeur, une douceur presque douloureuse, tout ça fait de Joyland une œuvre à la fois mineure par le genre auquel elle appartient (l’édition US a même été pensée pour ressembler à un pulp) mais grande et indispensable par sa capacité à nous faire ressentir un éventail d’émotions fortes sans avoir recours (enfin, pas majoritairement) à l’horreur ou l’épouvante.

Plonger dans Joyland c’est retrouver l’envie de boire des bières le soir sur la plage en écoutant les Doors ou Pink Floyd à fond, c’est se souvenir de la première fois que l’on a fait l’amour, c’est repenser à ces filles dont on tombait éperdument amoureux jusqu’à la fin de notre vie pour à peine 15 jours, c’est revivre ce putain de douloureux chagrin d’amour, celui qui a dévasté chacun d’entre nous, celui auquel on a donné tant d’importance, dont on pensait ne jamais se remettre, qui nous donnait envie de mourir tellement ça faisait mal, celui dont on se souvient finalement plus que la personne qui en est à l’origine, c’est repenser à cette période de notre vie où l’on pensait tout savoir, où l’on se croyait immortel, où l’on avait un avis sur tout alors qu’on ne connaissait rien, ou si peu… C’est un livre à travers lequel on se reconnait tous, et qui nous titille avec un talent fou la fibre nostalgique, pas seulement d’une jeunesse disparue mais de toute une époque aussi, plus insouciante, moins virtuelle, où on nous laissait un peu plus vivre qu’aujourd’hui… C’est pas du tout passéiste ni conservateur, non, c’est comme retrouver une vieille lettre écrite par un/une amoureux(se) et qui fait remonter à la surface non seulement les sentiments d’alors, mais également tout le contexte dans lequel ils sont nés.

C’est un livre incroyablement vivant, amoureux de la vie, léger et grave à la fois, exactement comme tout ce que nous vivions à l’époque, ces riens du tout qui nous semblaient pourtant si intenses et essentiels.

C’est un bonheur et King aurait pu s’en peine en assumer l’absence de fantastique. Peut-être est-il à une période transitoire de sa vie d’écrivain et qu’il parviendra d’ici peu à se laisser aller entièrement à ce genre d’histoires qui n’ont nul besoin de sang ni de spectre pour nous prendre à la gorge et nous vriller les tripes.